Pages

8 novembre 2022

DES (IN)VISIBLES : une auto-ethnographie des pratiques artistiques - Exposition des membres AdMare 2022


L’exposition « Des (in)visibles : une autoethnographie des pratiques » présente le travail de dix artistes membres d’AdMare. Elle se tiendra du 15 novembre 2022 au 6 février 2023 dans l’espace Colis suspect de l’aéroport des Îles-de-la-Madeleine. Organisée par la commissaire Christelle Proulx, cette exposition sera divisée en cinq parties, jumelant chaque fois deux artistes autour de thématiques caractérisant un aspect singulier de leur approche. VUES, TEXTURES, MODÈLES, RÉSIDUS et LISTES rassemblent ainsi des fragments symptomatiques des pratiques artistiques de nos membres afin de les faire dialoguer.

CALENDRIER D'EXPOSITION

VUES
15 au 29 novembre 2022
Audrée Demers-Roberge et Françoise Ségard

TEXTURES
1er au 18 décembre 2022
Mireille Vachon et Elinore Blanche

MODÈLES
20 décembre 2022 au 3 janvier 2023
Geneviève Reesör et Jean-Yves Vigneau

RÉSIDUS
5 au 22 janvier 2023
Joanne Brouard et Emmanuel Guy

LISTES
24 janvier au 6 février 2023
karen elaine spencer et Florence Jacob

TABLE-RONDE
8 février 2023 - 17h à 19h [heure des Îles]
En ligne
Lien vers l'évènement

***

« Le propre du visible est d'être superficie, d'une profondeur inépuisable. »
Merleau Ponty, 1966.

Chaque œuvre d’art contient une multitude d’éléments et d’agents qui, collectivement, forment le travail des artistes. Que des traces demeurent visibles dans les œuvres exposées, ou qu’ils ne vivent que dans la fibre invisible du quotidien ou d’instants uniques, ces objets, manœuvres et habitudes sont partie intégrante de la pratique artistique. Par l’intitulé « Des (in)visibles », qui fait coexister deux états, et l’approche auto ethnographique proposée par le sous-titre, cette exposition tient à mettre de l’avant la singularité des pratiques individuelles des membres d’AdMare, de même que les résonances qui émergent de leur mise en dialogue.

La posture auto-ethnographique demande que chaque artiste emprunte le point de vue d’une personne observant le travail qu’implique leur propre production artistique - ce qui est habituellement sous le visible. De là, des images et des objets sont exposés, agissant telles des traces ou des pistes de manière à témoigner du caractère processuel du travail artistique. L’attention à la pratique artistique en tant que travail (labour), nécessitant de nombreux éléments de soutien, va par ailleurs de pair avec le souhait de s’éloigner d’un impératif de production aux artistes. Par cette thématique, l’exposition tient à valoriser certains détails du vaste éventail de ce qui fait advenir l’art.

Divisée en cinq parties thématiques rassemblant chaque fois deux artistes, cette exposition cherche donc à rendre visibles les pratiques vivantes, médiatiques ou matérielles sous-jacentes aux démarches artistiques et ainsi élargir les frontières de la définition d’une œuvre et du travail des artistes.

Entre le travail de recherche de Françoise Ségard et l’atelier d’Audrée Demers-Roberge, VUES montre les détails de la perspective spatiale singulière de chaque artiste. Les vues aériennes côtoient la capture d’instants de coexistence, mettant ainsi en valeur le regard particulier de chacune qui anime leurs œuvres. Ainsi installés sur le monde, ces points de vue s’arriment donc à la trajectoire de création pour se transformer ensuite à travers une multitude de médiums.

TEXTURES témoigne du travail de recherche et d’essais textiles dans les œuvres de Mireille Vachon et d’Elinore Blanche. Cette attention aux formes et aux couleurs tisse un fil rouge entre le travail qui sous-tend leurs démarches de production. Entre les carnets d’échantillons qui permettent de sonder la relation à la mémoire et le travail précis du patronage des matières dans la réalisation de costumes, un rapport étroit à la matérialité se démarque.

Par le jumelage du travail de Geneviève Reesör et de Jean-Yves Vigneau, MODÈLES expose l’importance des jeux d’échelle dans la recherche des artistes. Augmenter le volume des outils afin d’altérer l’envergure des gestes est ainsi le pendant de la prolifération de maquettes qui précèdent leur actualisation en grand format. La variabilité de la dimension des objets se révèle, dans les deux cas, un passage transformateur pour la concrétisation des œuvres.

Sous l’intitulé RÉSIDUS, Joanne Brouard et Emmanuel Guy exposent les restes et les traces matérielles de leur travail avec l’encre et le bois. Valorisées tels des spécimens biologiques ou des échantillons géologiques, ces traces vouées aux rebuts sont mises de l’avant en tant qu’éléments nécessaires au façonnement des œuvres. Si leur rôle est éphémère et s’efface une fois les œuvres terminées, ils n’en demeurent pas moins cruciaux.

Réunissant le travail de Florence Jacob et karen elaine spencer, LISTES dépeint un certain rapport à l’exhaustivité et à l’accumulation qui marque la pratique des deux artistes. L’énumération se réfère en outre au travail de collaboration qu’implique la production de leurs œuvres. En tant que dernière partie de l’exposition, elle signale la nécessité de la communauté et du regroupement des gens, des gestes et des choses dans le travail des artistes.

- Christelle Proulx, Commissaire de l'exposition


***


AUDRÉE DEMERS-ROBERGE

« La magie opère à l’atelier vise à explorer la place de l’atelier dans ma pratique artistique, plus précisément mon rapport à la création. C’est à partir d’une sélection de photographies de petits formats issues de différents ateliers habités depuis une dizaine d’années, que je tente d’explorer et révéler la magie du processus de création comme objet central d’exposition. Ce n’est donc pas l’objet fini qui est exposé, mais la documentation du processus à l’atelier, lorsque la magie opère. La magie opère à différents moments dans une pratique artistique, à l’atelier dans l’action, le faire, mais aussi grâce à l’objet/image fini dans l’espace, lorsqu’exposé. Est-ce que la magie peut opérer en présentant dans l’espace des moments passés dans ce lieu de création ? Est-ce que la documentation photographique de cet instant pourrait être plus forte ou égale à l’objet/image choisi, final et exposé ? Est-ce que le résultat est la fin d’un mouvement de création ou son processus, son incomplétude peut-être le produit final et créer l’effet magique ?

Ces photographies s’inscrivent donc dans ma démarche par mon rapport à la création et le rôle du voyage au sein de celui-ci. Le voyage est une composante importante de mon processus créatif. C’est en explorant de nouveaux espaces et cultures que j’interviens dans de nouveaux territoires, collectionne et ramène des morceaux de voyage à l’atelier. Ceux-ci habitent l’atelier et génèrent des explorations fondamentales à ma façon de concevoir la création. Cette série révèle des fragments photographiques ou des objets issus de voyages. »

Audrée Demers-Roberge (Lévis) vit à Québec. Elle a complété en 2019 une maîtrise en arts visuels et un baccalauréat en arts visuels et médiatiques de l’Université Laval avec une année d’étude en Finlande en 2011. Elle a lancé en 2019 avec Amélie Laurence Fortin le livre Roche, Plante, Mer, Bois édité par Vu Photo et réalisé en partie avec une bourse de Première Ovation. Elle a présenté en 2021 Symbioses à Espace )( Parenthèses (Qc) et Le temps nécessaire pour construire une œuvre monumentale sur la façade vitrée de l’Oeil de Poisson en codiffusion pour le Jardin d’hiver de Manif d’art. Elle a exposé BOUZOU en 2018 dans l’Espace américain de Vu Photo (hors-programmation), exposition nominée au Prix Videre Relève en arts visuels 2019, prix d’excellence des arts et de la culture. En 2022, elle expose en collectif au Musée des beaux-arts de Sherbrooke dans la collection permanente du Musée ambulant. Ses œuvres ont été présentées en collectif entre autres en 2020 lors de Panorama projet de diffusion hors-les-murs de Vu Photo (Québec), en 2019 lors de Manif d’art 9 – La biennale de Québec, Si peBt entre les étoiles, si grand contre le ciel, volet jeunes commissaires, au Magasin d’Arprim (Montréal), dans l’Espace européen de Vu Photo en 2017, à la Foire en art actuel (Québec) en 2014 et au Musée d'art contemporain de Baie-Saint-Paul (Charlevoix) en 2012. Elle a réalisé des résidences dont Est-Nord-Est (Saint-Jean-Port-Joli), au Centre Sagamie (Alma) et à Le Château – Association Diagn’Art, à Saint-Louis au Sénégal. Elle a assuré la direction artistique par intérim de Regart, centre d’artistes en art actuel (Lévis) en 2021-2022.

http://www.audreedemers-roberge.com/


FRANÇOISE SÉGARD

« Débuté pendant la pandémie, le projet auquel se rattachent les éléments exposés pose la question : quelle place a prise la Covid dans notre espace mental et physique ? Utilisant mon langage artistique de prédilection, la vue aérienne, j’ai choisi de montrer un espace terrestre surprenant, un paysage de tourbières observées lors d’un voyage antérieur sur la Côte-Nord. Ce motif topologique choisi par son esthétique et parce que c’est une histoire de naissance, de vie et de mort de lacs, se déploie sur seize panneaux de bois formant un grand paravent. Je présente cette vue aérienne dans un format allongé, voire arrondi pour renforcer l’idée du confinement. Ce projet parle d’isolement et touche à des craintes enfantines enfouies. La structure semi-circulaire est peinte à l’huile. S’ajoutent des monstres vivants et morts évoluant sur et dans le paysage de tourbières.

Dans cette exposition, on retrouve certaines étapes de mon processus habituel de création tel que l’accumulation d’éléments topographiques, les lignes traversantes (le fleuve et des affluents), les formes crées par le découpage du territoire en une mosaïque de cultures et de boisés, le quadrillage ou le pixellisage rappelant les supports numériques ainsi que les cartes géographiques, l’archéologie aérienne ou la stratigraphie et, enfin, les effets perceptuels de couleur. »
Françoise Ségard vit et travaille à Montréal. Diplômée de l’université du Québec à Montréal, elle obtient un Baccalauréat en arts visuels et médiatiques (2011), puis une Maîtrise en arts visuels et médiatiques (2015). Elle a participé à plusieurs expositions individuelles et collectives notamment à Montréal au 9e Festival d’Art Souterrain (2017), à la Maison de la culture Maisonneuve (2015), à l’ École nationale de Théâtre du Canada (2015), à la Fonderie Darling (2014), à Les Grands Ballets Canadiens (2013), au Centre d'exploration et d'expérimentation de l’UQAM (2012), au Musée des sciences de Montréal (2011), à la Galerie Jean Brillant (2011), à Artprim Centre d’essai en art imprimé (2010), à la Maison de la culture Maisonneuve (2010) et à la Galerie Circulaire, centre d’artistes en arts imprimés (2009). L’artiste a aussi présenté son travail aux Iles de la Madeleine, au centre d’artistes Admare (2022), à Levis au Centre d’exposition Louise-Carrier (2021), à Winnipeg (Manitoba) au Centre culturel Franco-Manitobain (2018), à Sutton à la Galerie Art libre (2018), à Jonquière au Centre National du Saguenay (2017), à Shawinigan au Centre d’exposition Léo Ayotte (2017), à Sept-Iles à la galerie Panache Art Actuel (2016), à Ste-Marie à la Galerie Le Rift (2016), à Mont-St-Hilaire au Musée des Beaux-Arts (2015), à Longueuil à la Bibliothèque et centre d’exposition Georges-Dor (2016), à La Malbaie au Centre culturel Conan (2014). Le Conseils des arts et lettres du Québec a soutenu ses projets par des bourses en 2018 et 2017. Elle a reçu le Prix et bourse d’excellence Omer de Serres (2009) et a produit en art public une œuvre en 2010. Françoise Ségard a réalisé des résidences à Montréal à l’Atelier circulaire (2009) et à Sutton au Studio DAR (2021). Ses oeuvres se retrouvent dans des collections publiques, privées et corporatives.

www.francoisesegard.com



ELINORE BLANCHE

« J’aime prendre le temps d’arrêter et replonger dans mes vieux cartons afin de repenser mes allées et venues. Les traces laissées çà et là m’offrent le luxe de refaire les parcours autant de fois dont j’ai envie.  Mes carnets de curiosité exposés se veulent des dépositoires de mes réflexions, mes attentes, mes tentatives et tentations. Ils sont à leur manière des chroniques familières, mais non moins singulières, de mes envolées créatrices ; des carnets de voyage et des échantillonneurs cataloguant les chemins tracés de la pensée et du geste.

Je sonde les complexités de la mémoire sous toutes ses formes et dans tous ses états. Ma démarche intimiste et réflexive tend à approfondir les mécanismes affectifs et mémoriels liés aux errances de l’Être gravitant dans des univers chaotiques. Mon intérêt se porte plus particulièrement sur le marquage des corps, de l’espace ou du temps, de l’esprit et de la pensée d’une manière que je puisse raisonner son empreinte sur le paysage et vice-versa. C’est par le biais de la théâtralité, de la symbolique et du langage que je mets en tension la réalité des choses et la manière dont je les ressens, les apprivoise et les accepte. Je m’inspire tout autant du folklore que des savoirs anciens, et ouvrage l’imagerie par des procédés d’impression et de façonnage de matériaux tels que le papier, le textile et le métal. Je crée l’émotion par les arts du livre, la sculpture et l’installation, mes formats expressifs de prédilection. »
Elinore Blanche est une artiste interdisciplinaire, artisane récupératrice et autrice émergente francophone vivant et travaillant en Montérégie. Elle détient un baccalauréat aux beaux-arts de l'Université Concordia à Montréal (QC). Dans le but d'approfondir ses connaissances et diversifier ses expériences, elle participe à divers ateliers de formation tels que l’Intaglio à l’UTA de l’Université du Québec à Trois-Rivières (QC); la finition naturelle du bois et l’introduction aux machines-outils données à l’École d’ébénisterie d’art de Montréal (QC), ou encore le filage de papier au Centre des textiles contemporains de Montréal (QC). Elle a participé à l’événement de collecte de fonds CHECK TA MALLE d’AdMare, Centre d'artistes en art actuel des Îles-De-La-Madeleine, et prendra part très prochainement à l’exposition Transformations du Centre d’artistes Voix Visuelle à Ottawa (ON). Ses œuvres figurent dans des collections privées et publiques, dont celle de Bibliothèque et Archives nationales du Québec. Elle travaille actuellement en tant que créatrice indépendante et entrepreneure au développement de sa petite entreprise Blanche biche.

www.elinoreblanche.com



MIREILLE VACHON

« Dans le cadre de la production d’un spectacle de cirque à grand déploiement, j’étais mandatée pour concevoir les costumes d’un spectacle en art du cirque à être présenté sur un bateau de croisière. Les costumes à créer étant ceux de La Tribu du Soleil devaient maximiser la puissante énergie de l’Astre Suprême. Dans cette perspective, il m’est apparu impératif d’y intégrer des matériaux qui permettent une exploration de la lumière et des formes fragmentées et géométriques semblaient convenir. L’origami, comme approche des volumes, s’est imposé. Début de l’aventure de recherche qui devait aboutir, dans le cas présent à un couvre-chef porté par la cheffe de la Tribu du Soleil pour sa spectaculaire entrée en scène.

L’aventure de conception se poursuit au moyen de croquis rapides, puis sketches plusdétaillés, suivis d’expérimentations papiers, essais sur carton, recherche de matériaux de synthèse, expérimentations plastiques, puis tests d’assemblage, de colles, de teintures, bref, un beau voyage au cœur des matières, la lumière devant en maximiser l’utilisation. Je mets la main sur des chutes d’un certain acétate épais, semi-rigide et tellement iridescent qu’il en devint incontournable pour mon projet. Élaboration du prototype, puis ajustements sur mesure pour l’artiste, expérimentations sur scène avec les mouvements acrobatiques spécifiques au numéro, le prototype final est accepté par La Production. Revirement de situation : il ne fit pas partie de la garde-robe du spectacle ! Le matériau en question, cet acétate sublimement efficace pour la réflexion, réfraction et diffraction lumineuse s’est retrouvé en rupture de stock et ne sera plus produit à nouveau. C’est ce qu’on peut appeler un processus inabouti, presque un faux départ. À tout le moins, la démarche fut nourrissante et instructive. »
Issue de l’Option -Théâtre du Cegep de St-Hyacinthe, Mireille Vachon œuvre comme créatrice de costumes pour la scène depuis 39 années pour le théâtre, les spectacles de variétés, le cirque, l’opéra, ainsi que pour le petit écran, principalement dans l’univers "jeunesse" qui l’attire par les possibilités de créations infinies qu’il permet. Elle signa entre autres les costumes des séries jeunesse Kaboum, Les Argonautes, Salmigondis, plus récemment Ari Cui Cui, pour ne nommer que celles-ci. Elle crée également les costumes de plusieurs productions d’envergure ici et à l’étranger, notamment en Turquie, en Chine, au Liban et au Mexique, collaborant avec le Cirque du Soleil, Cavalia, Éloize, pour ne nommer que ces compagnies, et se retrouva à 11 reprises en nomination à La soirée des Prix Gémeau où elle remporta le prix de la meilleures création de costumes pour l’émission « la Princesse Astronaute » en 1995, année où elle représenta le Québec à la prestigieuse exposition scénographique « La Quadriennale de Prague ». Au long de sa carrière, Mireille, concernée par l’importance de la transmission, participa à plusieurs expositions et assuma de nombreux tutorats, partageant avec la relève sa passion pour costume de scène. Elle exerça son art dans ses ateliers, entourée de talentueux collaborateurs·rices, principalement à Montréal, mais également à l’étranger. Récemment devenue citoyenne des Îles-de-la-Madeleine, elle élabore actuellement un lieu qui sera son atelier et lui permettra de poursuivre le partage de sa passion pour les matériaux textiles et la création avec les membres de la communauté Madelinienne.



GENEVIÈVE REESÖR

« Afin de repousser mes limites, en puisant plus profondément dans mon senti, je crée des outils et un espace spatio-temporel, où je m’isole et travaille en immersion ma démarche exploratoire. Ces espaces-lieux, dont je ne sors idéalement que pour me nourrir et dormir, me permettent une rencontre intime entre le geste et l’objet, que je répète à la manière d’un mantra jusqu’à ne plus penser. C’est dans cet état vide et plein à la fois que j’effectue ma recherche avant de transposer mes résultats dans mes installations avec lesquelles je vais à la rencontre du public. Parfois, je reproduis une contrainte spatiale comme dans mon installation ‘Presser le citron’ de l’expo des membres d’AdMare en 2020 qui traitait de ma dyslexie. Ma recherche consistait à travailler en position assise, comme ‘en punition’ dans un coin, en fragmentant mes matrices et en estampant à répétition à la manière d’une copie. À d’autres moments, je me concentre sur les gestes liés à mes thématiques ou à l’amplitude de ceux-ci imposés, entre autres, par la création de mes installations extérieures en techniques mixtes sur de grands panneaux de bois. C’est en cherchant une façon de transposer en grand format l’acte de graver et d’estamper que sont nés ces outils exposés, proportionnels et fonctionnels fabriqués de plusieurs matières recyclées, de bois et de fibre de verre avec lesquels je n’ai pas fini d’explorer ! »
Du milieu urbain au milieu sous-marin, en passant par des lieux d’exposition plus conventionnels, Geneviève Reesör explore et cherche à décloisonner ses rencontres avec le public. Artiste multidisciplinaire, connue pour son travail d’estampes et ses installations en techniques mixtes parsemées d’objets épars, elle refuse les étiquettes et travaille à repousser ses limites et mieux sortir du cadre. Avec l’exposition en plein air Aqua Tertio, présentée sur 4 sites de l’archipel jusqu’à la fin du mois d’octobre 2022, Reesör a complété une trilogie hors les murs débutée en 2020 qui lui a permis de pousser plus loin sa démarche dans laquelle se joignent le geste et l’objet. Ce 3e volet hors les murs, pour lequel elle a reçu la bourse Recherche-Création du Fonds de développement culturel des Îles-de-la-Madeleine, lui a permis de continuer d’explorer ce qui l’anime profondément, créer des liens et du sens pour s’exprimer et se servir de l’art comme outil de dialogue et de résiliences personnelle et collective. Dès 1998, Geneviève s’est fait connaître en Estrie par ses œuvres urbaines, ses implications en médiation culturelle et sa pratique en art communautaire. En 2007, elle est nommée Artiste ambassadeur de la ville de Sherbrooke. Elle réside aux Îles depuis 2014 où elle a trouvé un milieu de vie et de création privilégié.


JEAN-YVES VIGNEAU

« Pour l’exposition, je présente Un coin de mon jardin, un ensemble d’essais ou maquettes pour mon Jardin d’Amytis. L’ensemble de mon travail d’artiste prend généralement forme in situ, c’est-à-dire en fonction des lieux et des gens qui les fréquentent. Les recherches en atelier, ou maquettes, prennent des formes variées comme des exercices pour développer un langage qui prendra forme dans le lieu d’insertion ou de présentation.

LE JARDIN D’AMYTIS
De septem orbis spectaculis ; une des sept merveilles du monde. Il y a plus de deux mille ans des voyageurs décrivaient ainsi les Jardins suspendus de Babylone. L’histoire raconte que le roi de Babylone, Nabuchodonosor II, fit construire les jardins suspendus pour rappeler à son épouse, Amytis, la végétation des montagnes et les cascades d’eau de son pays d’origine. Les descriptions de ces jardins, dont on n’a jusqu’à ce jour trouvé aucune trace archéologique, sont des transcriptions de traditions orales et ont inspiré de nombreux artistes au cours des siècles. J’ai décidé d’être l’un d’eux en m’inspirant du pays d’où je viens, me faisant ainsi sculpteur de paysages. »
Ayant vécu près de 50 ans en Outaouais, l’artiste Jean-Yves Vigneau n’en a pourtant pas oublié ses racines, lui qui a grandi aux Îles-de-la-Madeleine, au bord de la mer. Inspiré par sa culture insulaire, il a produit quelques dizaines d’expositions solo présentées un peu partout au Québec et au Canada. Au cours des années, il a aussi fait des séjours en recherche et création et réalisé des œuvres in situ au Pays de Galles, en Finlande, au Brésil, en Pologne, en Suisse, en France et aux États-Unis. Il a aussi réalisé une trentaine œuvres publiques permanentes et réalise actuellement une œuvre sculpturale pour la Maison des aînés de Rivière-au-Renard. De nombreuses fois boursier du Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ) et du Conseil des arts du Canada, Jean-Yves Vigneau s’est vu attribuer le prix du CALQ à la création artistique en région en 2003 et le prix Hommage de la Ville de Gatineau en 2015. Artiste dévoué à sa communauté, il est lié au développement des centres d'artistes AXENÉO-7 et DAIMON à Gatineau et AdMare aux Îles-de-la-Madeleine. Dix ans au conseil d’administration du Regroupement des Centres d’artistes autogérés du Québec (RCAAQ) dont trois à la présidence, il a oeuvré à la reconnaissance du statut professionnel des artistes. Il a été un des principaux porteurs du projet d’aménagement de La filature, un lieu unique pour la recherche, la création et la diffusion en arts visuels et en arts numériques à Gatineau, dont il assure actuellement la présidence. Depuis quelques années, il passe la majorité de son temps aux Îles-de-la-Madeleine où il a repris la maison centenaire de son enfance et cultive son jardin.

www.vigjy.net



EMMANUEL GUY

« Ma pratique est sculpturale et installative, parfois performative, mais toujours ancrée dans la transformation du bois. Je travaille à partir de bois brut, des essences locales ; du bois flotté ou encore du bois récupéré. J’utilise des machines-outils communes en ébénisterie (dégauchisseuse, planeur, scie à ruban, tour à bois), mais également les outils manuels plus traditionnels (rabots, vilebrequins, égoïnes, râpes, ciseaux). Les gestes et savoirs associés à la manipulation de ces outils forment un processus essentiel à ma démarche. Je pose la prémisse que les objets ainsi fabriqués s’en imprègnent et que cela leur confère une agentivité particulière.

Pour observer ce processus, je propose ici de tourner le regard vers les déchets qu’il produit : bran de scie, copeaux, retailles et rognures. L’œuvre rassemble une sélection de ces reliquats récoltés au cours de mon plus récent projet. Chaque résidu est décrit objectivement par une mention précisant l’essence de bois, l’action dont il découle ainsi que l’outil employé. Présentée dans sous forme d’échantillons étiquetés, l’œuvre fait un clin d’œil à l’esthétique des collections scientifiques. Le procédé souligne la richesse d’informations que l’on trouve dans ces restants : les habitué·es s’y réfèrent par exemple pour vérifier l’ajustement d’un outil.

En élevant ainsi au rang d’œuvre ce qui se retrouve normalement sur le plancher de mon atelier avant d’être balayé vers le bac à compost, je rappelle que le processus qui aboutit à une œuvre devient en fait une caractéristique essentielle et indétachable de celle-ci. Ce faisant, j'invite à aborder toute œuvre en y recherchant les traces de sa fabrication. »

Emmanuel Guy est né en 1972 au sein d’une famille où se côtoie au quotidien le travail manuel et intellectuel. C’est dans cet environnement qu’il acquiert à l’adolescence les rudiments de l’ébénisterie. Après des études en sciences sociales et en gestion, il s’installe à Rimouski pour mener une carrière de professeur-chercheur en transport maritime. Ce retour en région est l’occasion de reprendre graduellement contact avec le travail du bois. En 2016, il réalise un premier objet porteur pour une exposition collective de la Corporation des métiers d’art du Bas-Saint-Laurent. L’année suivante, il prend part à un laboratoire de création regroupant des artistes du numérique et du travail traditionnel de la matière à Caravansérail (Rimouski). Depuis, il développe une pratique abondante et diversifiée à la rencontre des arts actuels et de l’ébénisterie. Son récent cycle de travail sur l’acte de porter a fait l’objet d’expositions solos à AdMare, chez Atoll art actuel (Victoriaville) et au Centre d’exposition du Rift (Témiscamingue).


JOANNE BROUARD

« Des morceaux de papier essuie-tout souillés témoignent du mouvement de lavis d’encre lors de la réalisation de mes œuvres picturales. Ces résidus font partie des contraintes que j’impose aux encres afin que celles-ci puissent exprimer plus clairement ce que je tente d’évoquer lorsque je les utilise pour réaliser mes peintures.

En plus des difficultés provenant du papier, de la quantité d’eau utilisée et de divers outils non traditionnels, le papier essuie-tout ajoute, retire ou étend l’encre rebelle. Défiant la gravité, il impose ses règles en douceur et en précision. Le mouvement de l’encre est ainsi amélioré, voire optimisé.

Cet outil inopiné, devenant résidu une fois son utilité terminée, joue un rôle crucial dans ma pratique où j'utilise un amalgame de pratiques traditionnelles et d’outils technologiques pour exprimer le mouvement en situation contraignante. Mes œuvres exposent une accumulation d’émotions en réaction aux barrières « imaginaires » de notre société. Elles sont la représentation de ces limites imposées, et du mouvement et de la beauté qui parviennent à émerger. »

Née à Montréal, Joanne Brouard a complété ses études en arts visuels au Cégep de Rivière-du-Loup suite à une carrière en communications, et fait présentement un microprogramme en Arts et technologies à l'Université de Sherbrooke. Ses peintures ont été présentées lors de nombreuses expositions solo et collectives, et sous forme d'art public éphémère. Elle a remporté le prix Coup de cœur du public au Centre d'arts visuels de Magog et est lauréate pour la catégorie Peinture non figurative de l'Expo-concours de La Prairie. Ses œuvres font partie de collections privées et de la collection publique de la ville de Saint-Jean-sur-Richelieu.

joannebrouard.com



FLORENCE JACOB

« Mon travail s’inscrit dans l’exploration du journal de bord comme outil documentaire et dans l’infiltration de différents milieux artistiques. Plus précisément, pour l’exposition des (in) visibles, j’infiltre un projet accessible aux membres en le devenant moi-même, pour faire progresser ma pratique. Dans mes projets, suivant une démarche autoethnographique, j’incarne différents rôles (évidemment, celui de l’artiste, mais aussi celui d’étudiante, de diplômée, de commissaire, de coordonnatrice, de femme, de Montréalaise, de voyageuse, etc.) Ainsi, dans chacun de ces rôles, j’utilise le journal de bord pour documenter le quotidien observé, à l’aide de l’écrit, du dessin, de la vidéo, de la photo et du son.
Ici, je me suis engagée à réfléchir à ce qui est visible et invisible dans ma pratique, en établissant un dialogue avec mes pairs (les autres participant·es de l’exposition), tout en fouillant différentes pistes pour mieux comprendre le rapport qu’ielles entretiennent avec leur quotidien. Enfin, toutes ces archives me permettent de reconstituer un récit à mi-chemin entre la recherche et la création, dans une quête tantôt critique, tantôt introspective, tout en respectant mon désir de jouer, observer, participer, tisser des liens humains et prendre plaisir à suivre mon intuition. »


Florence Jacob est une artiste multidisciplinaire basée à Tio’tia:ke (Montréal). Elle détient une maîtrise en arts visuels et médiatiques de l'UQAM (2021) durant laquelle elle a interprété le rôle de l'étudiante-artiste afin de nourrir son projet de documentaire subjectif. De cette recherche création en a découlé l'exposition Maîtriser (ou pas) l'art du journal de bord, présentant différentes phases d'explorations et d'archives menant au coeur du projet : une installation immersive dans laquelle était projeté un court métrage de 19 minutes, rassemblant vidéo, son, narration, photo, dessin et animation. Depuis 2011, Florence Jacob est impliquée dans différents projets artistiques où elle se nourrit de collectivité, en participant, commissariant ou coordonnant des projets universitaires, artistiques, communautaires ou aux structures alternatives. Elle est également récipiendaire de différents prix, dont la bourse d'excellence de l'UQAM pour les cycles supérieurs (FARE) (2018).

www.florencejacob.ca


KAREN ELAINE SPENCER

« "dream letters for granby/rêves à la poste (pour granby)" est un projet entrepris en 2009 lors d’une résidence au 3e impérial à Granby QC. Le projet consistait à envoyer des lettres contenant un fragment de rêve à 1000 résidents de Granby via Postes Canada. Les noms et adresses ont été trouvés dans l’annuaire téléphonique et les lettres ont été postées, une lettre après l’autre, au cours de l’année. De cette façon, un groupe de destinataires de lettres de rêve s’est lentement constitué, et pourtant, les destinataires des lettres de rêve étaient inconnus les uns des autres et inconnus de moi. Cette fragmentation, ou lien invisible, est un fil conducteur dans mon travail, où un point commun inconnu traverse une communauté qui ne se doute de rien. Souvent, comme c’était le cas dans ce projet, l’invisible est brièvement rendu visible, ou audible. J’ai créé une page listant tous les destinataires de la lettre de rêve pour le journal local, puis j’ai produit un enregistrement audio où chaque destinataire d’une lettre de rêve était nommé à haute voix. N’étant pas à l’aise avec ma prononciation de plusieurs des noms des destinataires, j’ai demandé l’aide de Danyèle Alain, la directrice du 3e impérial, et j’ai écrit, dans une sorte de code phonétique que j’ai moi-même créé, la façon dont les noms sonnaient. Cette liste est présentée ici. »

nom : karen elaine spencer

naissance : terre, année du poisson argenté

petite enfance : chante doucement des chansons fantaisistes à des mouchoirs en papier froissés sur le siège arrière de la voiture familiale.

adolescence : s'enfuit de la maison pour étudier l'art de l'oubli.

aujourd'hui : s'infiltre dans les bureaux du gouvernement, les gares, les métros et les parcs pour transmettre des messages secrets. se promène, flâne, prend le métro, écoute les rêves.

likewritingwithwater.wordpress.com



CHRISTELLE PROULX, commissaire


Christelle Proulx détient un doctorat en histoire de l’art de l’Université de Montréal. Elle se spécialise dans l’art actuel, les études photographiques et la culture numérique, par le biais d’approches principalement inspirées de la sociologie de l’art et des sciences et des techniques. Ses recherches ont notamment été soutenues par le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada (CRSH) et le Fonds de Recherche du Québec Société et Culture (FRQSC). Depuis 2012, elle travaille au sein de l’équipe de recherche « Art et site » qui s’intéresse aux pratiques artistiques éphémères et pérennes dans l’espace public, de même qu'à la circulation de photographies d’œuvres d’art en ligne. Elle a publié de nombreux articles et co-dirigé avec jake moore l’ouvrage L’agir en condition hyperconnectée : art et images à l’œuvre, publié aux Presses de l’Université de Montréal en 2020. Elle est chargée de cours à l’Université de Montréal où elle enseigne l’histoire de la photographie. Elle fait partie de l’équipe d’AdMare à titre d’adjointe à la direction artistique et coordonnatrice des communications et demeure dans la région de Montréal.

***

PARTENAIRES

AdMare souhaite remercier ses partenaires : le Conseil des arts et des lettres du Québec, le Conseil des arts du Canada et la Municipalité des Îles-de-la-Madeleine.


***